Pour sauver le climat, tous sous Ayahusca

Il y a exactement cinq cents ans, Cortès introduisit la culture du chanvre au Mexique. Il était dans la logique des hommes. Depuis que l’humanité existe, elle utilise des plantes pour modifier son état de conscience. 

Au début du vingtième siècle tout change. 

La presse américaine se déchaîne contre le cannabis et la morphine. Elle installe l’idée que les pratiques des “jaunes” et des “nègres” contaminent la jeunesse blanche. En 1910, Hamilton Wright, commissaire à l'Opium déclare « la cocaïne est la cause directe des viols commis par les Nègres ». A la fin des années 30, Harry Anslinger, patron du Bureau Fédéral des Narcotiques affirme  “le cannabis nous dirige vers le pacifisme et le lavage de cerveau communiste, il fait croire aux Nègres qu’ils sont aussi bons que les Blancs ».  

En 1905, les Etats-Unis prennent des mesures w et lancent une campagne internationale contre l’usage de ce qu’ils considèrent comme le “vice des races inférieures” qui débouche, en 1912, sur la Convention internationale de l’opium, premier traité international de lutte contre la drogue. Lancée il y a plus d’un siècle, la guerre à la drogue est un échec absolu. Elle a fait des dizaines de millions de morts, détruit des états, multiplie les trafics et renforce la consommation.

Mais il y a pire, avec la prohibition, nous avons perdu une relation mystique aux plantes. Ce que nos états appellent des drogues, c’était un chemin qu’utilisaient les humains pour se reconnecter. 

Il est frappant de constater que la prohibition des plantes hallucinogènes a avancé en même temps que l’industrialisation de notre chaîne alimentaire. Au moment où l’on interdisait des plantes, on droguait l’humanité aux sucres et à la junk food. Vous allez me prendre pour un hippie mais je pense qu’il y a un lien très étroit entre leur criminalisation et le sort que réservons à notre planète. En nous coupant des plantes, nous avons perdu ce lien intime avec le vivant.  

Se connecter avec une plante hallucinogène ne signifie pas simplement la consommer. C’est apprendre à l’écouter. Une plante est silencieuse mais vivante, elle est prête à parler à celles et ceux qui savent l'écouter. 

Nous sommes de plus en plus nombreux à avoir rencontré l'Ayahuasca, l’Eboga, le Peyote ou d’autres plantes enthéogènes.

Ces breuvages hallucinogènes sont utilisés par les les médecins traditionnels amazoniens. Nous faisons tous des voyages différents, mais nous avons tous en commun d’avoir ressenti intimement une connexion puissante avec notre terre nourricière. Ce lien indescriptible avec la fragilité du monde.

C’est à la suite d’une retraite au Costa Rica où elle a rencontré des plantes que la physicienne Gail Bradbrook décida de fonder le mouvement extinction rébellion. D’aucuns critiquent ce mouvement pour sa radicalité ou son côté mièvre. Pour moi, c’est l’objet politique, par sa matrice originelle, le plus novateur du vingt-et-unième siècle. 

Gail Bradbrook théorise les bases d’une révolution psychédélique. C’est par cette phrase qu’elle a lancé son mouvement « Nous devrions tous nous mettre à la médecine psychédélique pour montrer à l'état qu'il n'a absolument pas le droit de contrôler nos consciences et de définir nos pratiques spirituelles ».

Oui vous avez bien lu.

L’enjeu révolutionnaire n’est plus dans la prise du pouvoir mais dans le réveil de nos consciences, avec les plantes comme outil et la sauvegarde de la planète comme finalité.

Extinction Rébellion inverse la perspective.  L’enjeu n’est pas de conquérir le pouvoir, il est plus grand, il est de se transformer soi-même pour transformer le monde. De sortir du déni, du désespoir, de l'impuissance pour se rappeler que l’horizon de l’Homme n’est pas dans la consommation mais dans l’amour de soi, de l’autre, du vivant. Et que nous n’arriverons à rien si nous ne commençons pas par nous.

Prendre soin de soi, en guérissant les parties de nous même blessées, pour nous réintroduire dans le tissus de la vie est un acte révolutionnaire. Et qui mieux que les plantes peut nous aider sur ce chemin. 

Nous parlons souvent de révolution digitale mais elle n’est rien par rapport à la révolution des plantes et à la puissance de leurs technologies. Oui, j’utilise à escient le terme de technologie. Elles contiennent des savoirs précieux, savent réveiller nos consciences, réparer nos traumatismes et fluidifier nos pensées. 

Nous pouvons regarder le monde avec pessimisme et pleurer sur le sort de nos écosystèmes disparus.

Nous pouvons aussi espérer en réalisant que nous sommes de plus en plus nombreux à nous reconnecter, avec gratitude, aux plantes. Les savoirs ancestraux des plantes partout se réveillent. Elles sortent des forêts et commencent à recoloniser le monde. J’ai la certitude que nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution humaine, qui portée par les plantes, nous permettra de nous reconnecter à notre terre nourricière. 

Précédent
Précédent

Reprendre le pouvoir