D'un effondrement à l'autre

Le 9 novembre 1989 le mur de Berlin s’effondrait. L’opinion mondiale assistait, incrédule, à l’implosion d’une utopie meurtrière qui causa la mort de dizaines de millions d’êtres humains et la ruine de bien des nations. 

Certains avec Francis Fukuyama proclamaient la fin de l’histoire. Nous étions arrivés à un climax civilisationnel. La société de consommation s’imposait comme l’horizon indépassable de l’humanité. 

Trente ans après, la réalité écologique nous rattrape. Le changement climatique devient palpable. Nos villes étouffent. Poissons, mammifères, reptiles, amphibiens déclinent à un rythme cent à mille fois supérieur que celui calculé au cours des temps géologiques. En quarante ans, 60 % des populations de vertébrés ont disparu. L’hypothèse d’un effondrement généralisé s’installe dans nos consciences. Trente ans après le communisme, la société de consommation est, elle aussi, sur le point de s’effondrer. 
La société de consommation et le socialisme semble s’opposer. Mais à bien y regarder sont les deux faces d’une même pièce. Il y a derrière la même idée simpliste que pour fournir les clefs du bonheur à un peuple il suffit de brûler, encore et toujours, plus de matière première. Elle partage une  idéologie commune. Celle  de la croissance continue des biens de production.  Les deux plus grands producteurs de CO2 du vingtième siècle furent l’Union Soviétique et les Etats-Unis. 

L’effondrement de l’empire thermo-industriel se sera joué en deux actes. Le communisme précéda la société de consommation dans le cercueil de l’histoire.

Face à cet écroulement annoncé, nous sommes seuls face à notre destin. Il y a trente ans, les peuples issus du communisme avaient un modèle alternatif à épouser.

Aujourd’hui c’est à nous d’inventer la suite du monde. L’enjeu est immense. Il nous faut tout reconstruire, tout repenser. Nous n’allons pas seulement devoir changer radicalement de mode de production. Mais nous devons changer d’axe, de vision pour inventer un nouvel imaginaire. Un nouveau récit collectif qui transcende la logique consumériste.

Et c’est précisément là que les femmes et les hommes issus de l’industrie de la communication ont beaucoup à faire. Pas uniquement parce que nous avons beaucoup à nous faire pardonner.

Disons le clairement, si  l’Union Soviétique utilisait les camps d’internement pour imposer son modèle centralisateur, la société de consommation mania la publicité pour aplatir les peuples et les transformer en consommateurs. Si demain, nos enfants convoquent un tribunal de Nuremberg pour  juger des crimes contre le climat notre industrie sera au premier rang sur le banc des accusés. Derrière la coolitude de la publicité se cache une industrie qui est en première ligne dans la consumation de notre planète.

Vous en doutez ? Il suffit de faire un petit retour en arrière pour s’en convaincre.

Tout au long du dix-neuvième siècle, l’appareil de production connaît des gains de production invraisemblables mais sans que les ouvriers en profitent.  D’un côté, on produit de plus, sans que l’on arrive à vendre la production fautes d’acheteurs solvables. De l’autre, le prolétariat s’enfonce dans la misère et bascule et se  radicalise dans la détestation de la bourgeoisie..

C’est en pointant cette double tension que Marx prédit l’effondrement inévitable du système capitaliste ; pour lui la crise de surproduction est cyclique et inhérente au système et la tension entre l’exploiteur et l’exploité rend la révolution inévitable.
C’est au coeur de la plus grosse crise de surproduction en 1929 que le capitalisme va se réinventer. Henri Ford propose un compromis, augmenter les salariés pour qu’ils s’enrichissent et achètent les biens de production. 

Et c’est là que la publicité et le marketing entrent en jeu. Après que l’industrie ait transformé le paysan en prolétaire, la publicité va transformer les prolétaires en “consumers”.

En anglais le terme est frappant. “Consumer”  littéralement celui qui brûle. On invente un être capable de consumer tout ce que l’industrie produit en grande quantité. Pour qu’il soit fidèle aux  produits, on crée la marque. The « Brand », en anglais ne signifie rien d’autre que le tison. Cet objet utilisé pour marquer, au fer rouge incandescent, le bétail ou les esclaves. Jusqu’au vingtième siècle, en anglais, le terme “the branding” n’est utilisé que pour désigner le marquage au fer rouge. Il sert à montrer, que les bêtes comme les esclaves, sont tous identiques parce qu’ils appartiennent aux mêmes propriétaires. 

Dès lors, l’équation du système va être bouleversée.

Les salaires augmentent fortement et permettent de trouver des débouchés nouveaux pour l’appareil de production. Les congés payés voient le jour et font naître l’industrie du divertissement. La société prolétarienne disparaît et nous voyons émerger une classe moyenne pour qui la consommation devient un nouvel eldorado. La consommation pour tous et par tous devient le nouveau contrat social de l’Occident moderne. Je consomme donc je suis. 

Ce modèle est dans une impasse.

N’en déplaise à Ellen Musk, nous n’avons qu’une seule terre. Il ne s’agit pas de revenir au Moyen Age et de brûler tout ce que la civilisation thermo-industrielle a produit.  Bien au contraire, il s’agit de comprendre que nous rentrons dans l’économie de l’après carbone.

Nous allons avoir besoin des savoir-faire de l’industrie de la communication pour sortir du cercle infernal du brûleur-brûlé et inventer une communication de la coresponsabilité écologique et sociale. Il est temps de compenser avec créativité le mal que nous avons fait à notre planète. Il faut en finir avec les missions de conseil pour Monsanto, Total où les agences fichent les défenseurs de l’environnement et organisent la propagande climato-sceptique. Comprendre que mettre sa créativité au  service de MacDo, Evian, EasyJet, Volskwagen c’est compromettre le futur de nos enfants.

Les talents doivent aider les humains à reprendre en main le tison, à inverser le rapport de force et marquer au fer rouge de l’infamie les entreprises qui saccagent nos modes de vie, nos écosystèmes et détruisent le vivant. Il nous faut inventer un nouvel imaginaire collectif qui valorise la beauté de notre planète.

Il nous faut inventer un imaginaire collectif qui valorise les bonnes pratiques écologiques.

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